Effectivement, le manège était nettement plus calme. Plus de bruit de marteau ni de poney paniqué, du coup je retrouvais mon Perdedor plutôt volontaire. Après tout, c’était plutôt normal, un mini-cheval lui avait hurlé dans les oreilles pendant une bonne dizaine de minutes, tant qu’il s’en éloignait, il était content.
En plus, il en avait de la chance, nous n’allions pas vraiment travailler. Du coup, il avait d’autant plus intérêt à se tenir tranquille.
Je détachais un des deux mousquetons des rênes, afin de faire une longe improvisée. J’avais oubliée de la détacher du licol, mais ça n’était pas bien grave. J’allais vérifier quelques minutes que le squelette ne le dérangeait pas, puis je comptais monter. La longe n’allait me servir qu’une petite dizaine de minutes.
Je posais tout d’abord le squelette au sol, assis contre un mur. Shogun vint immédiatement renifler cette étrange chose, et je le poussais du bout du pied.
- Ne le fais pas tomber, bécasson.
Je fis avancer mon bai, qui, pas peureux pour deux sous, vint le renifler. J’avoue, j’avais posé une friandise juste devant, du coup il s’avança. Mais il ne sembla pas avoir peur plus que ça.
Il poussa même le vice jusqu’à le pousser du bout du nez. Ce qui eut pour effet de faire tomber le pauvre squelette par terre, dans un grand fracas de plastique. Il recula vivement, en ronflant violemment.
- Bah oui, si tu y touches, forcément qu’il va bouger…
Je tirais sur la longe, l’appelant par son nom pour le faire revenir. Il du vite remarquer que son maître n’avait pas peur, alors il revint. Après tout, il était censé paraître plus fort que moi, alors il avait intérêt à ne pas avoir peur de tout, n’est-ce pas ? Il revint, renifla à nouveau, puis s’en désintéressa complètement.
Je soulevais l’humain en plastique, et le posais délicatement sur le dos de mon étalon, juste derrière la selle. Habitué qu’il était à mes cascades, il ne broncha pas d’un poil malgré le poids un peu trop en arrière par rapport à d’habitude. Je secouais les os, il tourna vivement la tête. Mais il dût reconnaître l’objet, et souffla tout en remettant sa tête devant lui, baissant l’encolure. Bon. Il s’en moquait, du coup. Avec toutes mes gesticulations habituelles quand j’étais sur son dos, ça ne m’étonnait pas plus que ça en fait.
- Bon, on va marcher un peu pour t’habituer au bruit de ton nouveau cavalier, puis je te ramène tranquille. Ça te va comme deal ?
D’autant plus qu’avec ses fers neufs, il marchait un peu comme sur des œufs. Autant éviter qu’il ne tombe et explose mon beau squelette.
Je sanglais d’ailleurs mon co-cavalier, l’attachant un peu où je pouvais à la selle et aux lanières du tapis. Je le secouais un bon coup, il ne tomba pas, mais garda volontairement la tête baissée en avant. Ah le timide. Il faudrait que je pense à attacher un fil dans sa nuque pour lui donner un air un peu plus fier.
Je remis les rênes correctement, les passais par-dessus l’encolure de Perdedor, et enfourchais mon cheval en prenant appui sur la selle. Et oui, il n’y a pas de petit entraînement, ça me permettait de travailler un peu mes cascades.
Les rênes longues, je lui demandais de marcher en le titillant du bout du talon. Il partit immédiatement, content de pouvoir se défouler. Au bout d’un tour de piste, attentif à ce qu’il ne prenne pas trop peur, je le mis au trot.
Ce changement d’allure se solda par un violent écart quand le fracas commença. Les oreilles tournées vers l’arrière, il se calma vite. Fierté d’étalon plus que compréhension de la chose, mais moi ça me convenais.
Je lui fis faire un ou deux tours de piste, avant de faire une diagonale pour changer de main. Là, je le mis sur un cercle de 20 mètres et lui demandais le galop. Fidèle à lui-même, il commença par avaler la distance, tête et épaules en avant. Je resserrais ma prise sur les rênes et me redressais dans ma selle, afin qu’il se rassemble. Il le fit rapidement, d’autant plus concentré qu’un grand bruit inconnu se déchaînait sur son dos. Mais ça allait, même au galop il n’avait pas peur.
Je changeais de main par un doublé dans la longueur en sortant de mon cercle, et le fit galoper un peu à main gauche. Estimant qu’il s’était suffisamment défoulé, et surtout suffisamment habitué à ce nouvel objet, je le fis ralentir, repasser au trot, puis au pas, où je le laissais souffler rênes longues. Descendant en marche de son dos, je l’arrêtais au sol, désanglais, et détachais le squelette. Je tenais à préserver mon idée de déguisement secrète quelques temps, autant que tout le monde ne voit pas mon étalon flanqué d’un squelette en plastique. Certes, je le tenais à la main, mais bon… Je n’allais pas non plus l’enterrer dans le sable du manège, imaginez un instant que quelqu’un le découvre et pense avoir découvert un vrai squelette. Le bordel pour aller le récupérer ensuite, j’vous dis pas…
Je remballais donc mes cliques, mes claques, mon chien et mon cheval, et je les ramenais tranquillement à l’écurie.