Je voyais depuis l'entrée de l'écurie la tête de ma chère jument dépasser. Après avoir rappelé Imagination à l'ordre en la voyant s'élancer telle une furie dans l'allée des boxes, j'avais vu avec un grand sourire ma grande baie reconnaître le son de ma voix et sortir me saluer. Je m'approchais d'elle, repoussai doucement ses dents un peu trop près de mes poches et débarrassai son toupet des brins de paille qui s'y étaient échoués. Jetant un œil sur le sol, je reconnus bien là l'aspect de paille fraîche qui expliquait ses crins plein de paille. Elle avait toujours adoré se rouler dans sa litière juste refaite.
J'ouvris la porte du box en grand, la laissant sortir tout en invitant ma chienne à rentrer dedans avec moi. Je montrais à une damoiselle assoiffée d'avoir trop chassé les papillons le fonctionnement de l'abreuvoir automatique. Juchée sur ses grandes pattes, elle comprit vite le principe et je pus reporter mon attention sur ma jument en liberté dans l'allée. Virgule et Kiara, ses deux voisins, l'ayant royalement ignorée, elle semblait décidée à dire bonjour à tous les chevaux de l'allée.
J'attrapai le licol, trottinai jusqu'à elle pour le lui passer et laissai la longe sur son dos. Je partis ouvrir la porte et elle resta interdite, me regardant comme si elle ne comprenait pas ce qu'elle devait faire.
- "Andiamo, Giu' !"Elle me rejoignit en ronflant, montrant au monde entier qu'elle était une jument fatiguée par l'attitude de sa maîtresse indigne. Me poussant doucement dans le dos, je l'emmenais jusqu'à la barre d'attache, me retournant pour déposer un bisou entre ses deux naseaux. Je récupérais ma longe et l'attachais sommairement à un anneau. Je vis les oreilles de ma baie se coucher, et je les redressais de ma main en la réprimandant doucement.
- "Ttttt. Pas de ça, tu le sais."Si elle l'avait pu, elle aurait froncé les sourcils. En plus, visiblement, elle me boudait, puisqu'elle ne réagit pas à mes caresses. Haussant les épaules en la regardant, je la laissais à la garde d'une Imagination visiblement agacée de courir après des papillons sans succès. Je partis chercher ma mallette dans la sellerie, et revint avec.
Je la posais loin des gros sabots maladroits de ma demoiselle et, appréciant la saleté de sa robe, j'en conclus qu'un coup de bouchon suffirait à faire disparaître la maigre poussière qui restait. La douche de la veille lui avait fait du bien et avait nettement arrangé son état. Cette fois-ci, je ne me retrouvais pas prise dans une tempête de sable en la nettoyant, et je finis par nettoyer sa tête avec la brosse douce.
Voyant les mouches s'intéresser grandement à ses yeux, je partis mouiller une éponge pour nettoyer autour et ainsi dissuader mesdames les mouches d'importuner davantage ma jument. Je curais rapidement ses sabots, avant de finir par démêler queue et crinière, en ayant auparavant éliminé les fameux brins de paille. Je pris un mouchoir dans ma mallette pour l'asperger de répulsif. Je le tamponnais précautionneusement sur le chanfrein de ma demoiselle et juste en-dessous de l'attache des oreilles, avant de l'asperger sur le ventre et la croupe pour la protéger.
Ma jument étant propre, je lui laissais un bonbon à la menthe pour me faire pardonner et repartit vers la sellerie. J'y choisis mes derniers achats, à savoir une selle sans arçon et le tapis adapté. En la soulevant, je fus étonnée -et surtout heureuse- de voir que je ne m'écroulais pas sous son poids.
Je pus même attraper le bridon de ma jument et revenir dans la cour. Ayant posé le tapis, je soulevais la selle sans l'écraser sur le dos de ma grande jument, pour une fois. Je sanglais à fond, grognant contre Giulietta qui prenait un malin plaisir à gonfler son ventre.
Je la laissais s'épuiser à rien faire et je décrochai son licol pour le remplacer par son bridon. Je me baissais pour lui mettre des bandes de polo -mieux mises et plus rapidement que la dernière fois- et laissais les cloches de côté. Après réflexion, elles risquaient juste de l'embêter dans la forêt.
Je repartis à l'assaut de sa sangle, réussissant cette fois-ci à serre suffisamment pour m'éviter de tomber dès que j'effectuais une pression sur les étriers. Je réglais ces derniers à ma hauteur, laissai cloches et licol dans un coin, avant de monter sur le bas de la barre d'attache pour me hisser sur le dos de ma demoiselle.
Lien à venirJe rentrais à l'écurie à pieds, ma jument me suivant à la trace. Elle avait retrouvé son souffle, et elle et Imagination semblaient se soutenir mutuellement. Tout en pensant très très fort que j'étais un monstre horrible arrivé sur terre pour les faire courir.
Elle s'approcha sans rien faire d'autre de la barre, posant son museau dessus. Je lui retirais rapidement selle et bridon, avant de lui offrir deux friandises. Cela sembla la requinquer un peu, et elle redressa la tête lorsque je revins de la sellerie. J'avais juste attrapé un cure-pieds et un bouchon dans ma mallette, et je m'attelais à retirer soigneusement tous les petits cailloux et les graviers bloqués sous ses sabots. Je passais le bouchon sur ses pattes, partant ensuite en direction de la grange pour aller chercher deux poignées de paille fraîche.
L'empêchant de manger ma brosser improvisée, je frottais vigoureusement sur son encolure et son dos rendus transpirants par son effort précédent. Je laissais ses poils en bordel, afin qu'ils puissent sécher plus rapidement.
Je l'appelais finalement pour la rentrer, mais j'eus une autre idée entre-temps. Vu qu'elle me suivait toujours, je bifurquais vers les prés. Je ne comptais pas la lâcher, juste lui permettre de brouter l'herbe qui était à l'abri des chevaux gloutons de l'autre côté des clôtures. Elle comprit vite et se jeta littéralement sur le tapis qui s'étendait sous ses pieds. Avec un sourire, je l'encourageais.
- "T'as bien travaillé ma belle. Profites un peu."Je m'assis dans l'herbe, voyant avec joie que ma chienne épuisée venait se coucher à côté de moi. Je la caressais rêveusement, gardant un œil sur ma jument gloutonne. Elle appela un instant ses copains au pré, avant de replonger. Je l'entendais mastiquer, et je profitais de cette petite pause pour appeler mon père et lui donner de mes nouvelles.
Je restais 10, peut-être même 15 minutes au téléphone, et lorsque je raccrochais Giulietta s'était à peine éloignée d'une dizaine de mètres. Je la rappelais, mais elle était visiblement bien trop passionnée par son herbe pour m'entendre. Ne lui ayant pas remis le licol, je dus aller chercher la longe.
Je la lui passais autour du cou, m'attirant un fouaillement de queue visiblement destiné à me faire partir.
- "Giu', je ne suis pas une mouche ! Allez, viens, on rentre."Elle finit par se laisser faire et je l'emmenais jusqu'à son box. Fermant la porte derrière elle, j'allais vérifier rapidement l'abreuvoir avant de me diriger vers le fond de l'allée pour aller lui chercher son grain.
Je revins avec une main portant le seau, et l'autre une gousse d'ail issue de ma réserve personnelle. Je retirais la peau avant de laisser deux quartiers tomber dans le seau. Avec un peu de chance, la légende était vraie, et elle serait moins embêtée par les mouches en en mangeant.
Je versais le contenu du seau dans la mangeoire, la surveillant deux minutes avant de lui offrir une dernière caresse et d'aller ranger toutes mes petites affaires.