Il était temps de revenir voir le loulou. Cela faisait maintenant un mois qu’il était installé à la cuadra del eclipse et que j’y étais aussi. J’avais revu pas mal de fois mon frère mais j’avais eu peu d’informations à son sujet. Avec Corazon nous avions avancé doucement. Je m’étais bien plus occupée de ma vengeance que de mon cheval et je regrettais maintenant bien que les quelques journées au pré lui avaient certainement fais du bien. Mais il faisait trop froid maintenant pour le laisser au pré des journées entières.
J’arrive au box en début d’après-midi après avoir déjeuné. Accoudée au box, j’appelle mon étalon qui a apparemment finit sa ration et s’attaque à la paille. Reconnaissant ma voix ou bien ayant compris que quelqu’un cherchait à attirer son attention, le petit cheval fait volte-face et pose sa tête contre moi. Il me pousse doucement du bout de nez cherchant très certainement quelque chose à grignoter.
« No, no, tendria nada Corazon. »
Mes affaires posées devant la porte sont poussées alors que j’entre dans le box. Profitant d’un rayon de soleil, je mets le licol au criollo et le sort dans la cour. Ses sabots résonnent sur le ciment. Soudain il s’arrête, humant l’air très certainement puis une petite poussée sur sa longe et l’étalon reprend son pas calme à mes côtés.
Je l’attache alors à la barre située devant moi. Le petit cheval commence tout d’abord par chercher à manger l’herbe qui pousse entre les graviers. Alors qu’il est concentré sur autre chose, je commence mon pansage. L’étrille américaine glisse sur son poil. Il n’est pas si sale que ça. Les palefreniers se sont sûrement pas mal occupés de lui. Bien sûr ils ont été payés mais ils ont fait du bon travail.
Je prends ensuite le bouchon afin de lustrer sa robe. Ses jambes ont quelques tâches de boues que j’enlève en quelques coups. Etant donné que le loulou a des balzanes, je prends ma pierre ponce afin de rendre plus blanches ses jambes. Ce qui n’est, en fait, pas évident.
Sans que je fasse attention, trop occupée par la queue de mon cheval, Corazon commence à mordiller son nœud ennuyé par le fait de rester ici et de n’avoir rien trouvé à manger. Je passe finalement aux sabots. Armée de mon cure pieds, j’attrape l’antérieur de Corazon. Intrigué, le poulain me pousse doucement du bout du nez. Je perds l’équilibre et lâche violement le sabot de l’étalon.
Peureux comme on ne sait pas quoi, le cheval relève rapidement la tête et recule de quelques pas. Résultat, le nœud lâche. Corazon un peu perdu se retrouve au milieu de la cour libre. Un hennissement se fait entendre, sûrement de joie. La queue haute, le cheval s’avance vers ses camarades qui étaient en face. Ma voix, un peu en colère, se porte à ses oreilles.
« Corazon ! Que hace ?! »
L’espagnol. C’est bien la seule langue qu’a toujours entendu l’étalon et je ne me prive pas de parler ce langage avec lui bien que ce soit douloureux. Trop de souvenirs sont liés à cette langue. L’étalon m’a entendu et s’est arrêté. Il me regarde, le port de tête haut. Ses yeux étincelants de joie. Je le rejoins en quelques foulées. Il reste là à m’attendre. L’attrapant enfin, je l’attache à nouveau à la barre de pansage. J’hésite tout en flattant son encolure. Est-ce que je le monte ou je nous prépare pour le concours ? Finalement je me décide, autant faire les deux.
Afin de ne pas le laisser attacher sans rien faire, je me dirige vers le rond de longe.
J’enlève ma bombe. Mes cheveux sont collés à ma tête. Je transpire. Et pourtant, je souris. Cela faisait longtemps que je ne m’étais amusée comme cela. Le loulou aussi est fatigué. Je flatte son encolure. Pour ne pas le laisser se ruer sur la paille les naseaux dilatés, je l’attache à nouveau à la barre de pansage et commence à enlever son harnachement.
Revenant avec une brosse, je m’occupe de ses jambes dont le sable se colle à cause de la transpiration et de la pluie de ces derniers jours. Finalement je passe un coup rapide sur sa robe qui luit d’eau. Je finis par curer ses sabots, les débarrassant du surplus de sable. Voyant sa queue chasser quelques dernières mouches, je reprends mon bouchon afin d’y enlever ici aussi le sable qui s’est collé.
Je décroche la longe et tire doucement sur le licol. Corazon me suit doucement, d’un pas lent. Il est fatigué ça se sent. Mais à peine rentré dans le box que le cheval a retrouvé toute sa vigueur. D’un geste violent il repousse ma main qui était en train d’enlever le licol, et commence à chercher une friandise. Je le repousse doucement et finit ma tâche. Une fois le licol enlevé, je sors du box. Un hennissement déchirant se fait alors entendre. Mon poulain n’a pas eu sa friandise. Je rigole un petit coup puis prends une carotte qui traîne dans mon sac. Je n’ai pas le temps d’arriver à son box que le criollo a déjà passer sa tête par-dessus la porte et m’attend avec impatience. Je le pousse avec douceur mais conviction afin de rentrer dans le box. Une fois dedans, je lui donne enfin ce qu’il veut et ce qu’il mérite : la friandise tant attendue. Du bout des lèvres, le cheval la prend puis après quelques câlins, où il en profite pour faire mes poches à nouveau, je le laisse.
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