Passé du personnage
Addy ! Addy !
Quelle joie plus intense que d'entendre votre fils vous appeler Daddy pour la première fois ? Certes, ce n'est pas parfait, mais Andrea s'en moque. Les yeux brillants de fierté d'être enfin reconnu et nommé, il joue avec le petit être d'à peine 16 mois dans ses bras. Daddy ! Quelle fierté, pour un jeune papa !
Don't panic ! Don't panic !
Le ton est différent. Le regard du jeune homme aussi. Les équipes de secours accourent, font sortir ceux qui peuvent encore marcher, le poussent... Il ne sait plus rien, ne voit plus rien. Il veut juste oublier. Ou plutôt, non, se souvenir. Se souvenir de cette matinée ensoleillée, de la voix de son fils, des baisers de sa compagne...
Les larmes se mettent à couler. Et la douleur dans son bras ensanglanté n'y est pour rien. Il sait, il a compris qu'il ne pourra désormais que se souvenir...
Vous avez eu de la chance, monsieur...
Le ton a changé, la langue aussi. Mais pas les cauchemars, pas les cris, pas la peur. Il a tout perdu. Sa compagne, avec qui il vivait depuis 3 ans, qu'il connaissait depuis le lycée. Et son fils. Sa fierté de jeune papa de 21 ans. Tous les deux morts, à Londres, le 7 juillet 2005. Non, ce n'est pas de la chance. Vraiment pas. Parfois, il pense à se tuer, pour les rejoindre, pour s'en aller. Mais il ne veut pas. Il doit même être trop troublé pour en avoir le courage et l'initiative...
Fixes tes jambes, beurdel ! Non, attend, j'ai une idée.
Le jeune homme s'approche du cheval. Il est méconnaissable. On dit que les grands stress ont une incidence sur l'apparence : il s'est émacié, s'est teint ses cheveux châtains en noir pour cacher les cheveux blancs disgracieux. A seulement 25 ans, il semble avoir tout vécu. Il fait descendre l'élève, retire la selle, la pose sur la barrière.
Maintenant, on va voir si t'arrives pas à me fixer ces mollets. De toutes façons, si t'as plus de selle, il va t'éjecter, à force de jouer au pommier sur son dos.
Et puis, visiblement, ça fonctionne. Comme tout ce que dit Andrea, de toutes façons. Il s'est réfugié en France, et avec son diplôme de monitorat, il se balade un peu partout. Il connait tout, sait tout, a réponse à tout; il passe sa vie avec les chevaux. Plus personne ne l'attend à la maison.
Un hennissement fait sursauter tout le monde, puis un grand bruit de sabots sur les pavés.
Comment t'es encore sorti du pré, toi ?
Mais le grand sourire sur le visage de moniteur en dit long sur sa pseudo-colère. C'est CAESARIVS, après tout. Son bébé, à défaut de pouvoir le tenir dans ses bras. Un âne, tout ce qu'il y a de plus banal, mais avec le nom du plus grand dictateur romain. Andrea avait choisit ce nom à l'époque, parce que le petit étalon était né 1 an et un jour après la catastrophe. César avait réussi à conquérir toute l'Europe; Andrea devait pouvoir réussir à reprendre sa vie en main, non ?
Holà !
Angleterre, France, Espagne... Andrea fait le tour du monde. Son âne aussi. Spécialisé dans le dressage et le travail à pied, il est venu enseigner au refuge. Toujours aussi triste, toujours aussi célibataire, toujours aussi absent. Ils sont partis trop tôt.
Et, à son poignet, brille une petit gourmette. Gravé sur la plaque dorée, un petit Zachary. On avait retrouvé les corps. Et le nom du bébé. Et son identité, grâce à une petite babiole dorée. Depuis, le papa la garde précieusement. En gage de gratitude. Gratitude pour ceux qui, un moment durant, auront fait de sa vie autre chose qu'une fidèle errance.
Et c'est reparti...
Un attentat. Un incendie. Le monde s'acharne toujours sur les mêmes épaules, semble-t-il. Andrea a réussi à sauver uniquement son cher, son amour de Caesarivs. Au prix de son bras. Définitivement, toujours le même. Brûlé, c'est tout ce qu'a retenu Andrea avec son aversion pour les hôpitaux. Et, finalement, inutilisable. Il ne peux plus le bouger, le commander. Il ne ressent plus rien.
Il a suivi Cuadra en France, parce qu'il n'a plus rien à perdre. Tous ses chevaux, ses poulains sont morts. Un énième retour à zéro. Un énième nouveau départ. Il est arrivé, a débarqué son âne toujours aussi bruyant, et a été prolonger son contrat de travail. Cette fois-ci, en tant que débourreur. Puisque le monitorat n'est plus possible pour lui qui peine à maintenir un cheval avec un seul bras...