Epsilon bondit sur place quand Luka se leva. Décidément, le lien entre eux était fort. Pour adopter un chien estropié de la sorte, il fallait aimer les animaux. C'était touchant, et ajoutait une qualité à ce que je trouvais déjà de bon chez Luka.
Je pensais aux 4 heures de marche qui m'attendait jusqu'aux écuries. J'avais beau être athlétique, je savais aussi qu'en rentrant, du travail m'attendait. J'hésitais. La compagnie de Luka était plus qu'agréable. Mais je ne voulais pas abuser. Mais je ne voulais pas partir ! Arrgh.
Je t'avoue que si Epsilon veut bien te partager avec moi, je serais pas contre une petite place en direction des écuries.
Je souris à nouveau à Luka. Assez craquant le grand brun, il fallait se l'avouer. Je n'aurais pas été contre quelques heures en plus avec lui, le temps était passé bien trop vite à mon goût.
Luka s'excusait de la saleté de sa voiture et.. je ne pouvais retenir un éclat de rire. En effet, l'odeur de chien et de cheval avait impregné le cuir, et je ne comptais pas les quelques brins de paille et de foin qui parsemait le tapis de sol autant que les sièges. Mais il fallait voir mon gros Break à côté. Le plat arrière, découvert, avait été blanc un jour, mais je ne m'en souvenais pas, parfois je me demandais si ce n'était pas avant ma naissance. La carrosserie étai cabossée et comptait encore de multiples traces de boues. Quant à l'intérieur.. Ce break m'appartenait depuis mes 16 ans. Comment dire qu'il en avait vu de toutes les couleurs..
Je souris à Luka, lui fis un clin d'oeil, en prenant place dans le véhicule alors qu'Epsilon frottait sa tête contre moi, joueur.
Merci du compliment d'ailleurs jeune homme. Enfin, merci Epsilon je crois !
Epsilon avait posé sa tête sur mon épaule quand Luka s'engageait sur la nationale. Sa conduite n'était pas désagréable. Je fus ravie lorsqu'il me proposa de mettre de la musique : je passais ma vie avec des écouteurs dans les oreilles. Une fan absolue. Un trajet de 10 min était un calvaire si mon Ipod n'avait plus de batterie. Je profitais des hauts parleurs dont disposait le MP3 pour mettre un peu de musique. J'hésitais, mais mon téléphone choisit pour moi : Black Betty, de Ram Jam, que j'écoutais au moment où j'ai rencontré Luka. Ou plutôt, dans l'ordre, le frisbee, Epsilon, et Luka ! Cette pensée m'amusa, et je souris. Je posais mon coude sur la portière, ma main soutenant ma tête. C'était joli ici. Apaisant. Je ne regrettais pas d'avoir marqué cet endroit sur ma carte. Peut être resterais je un peu plus longtemps que prévu..
Je me tournais vers Luka, un peu rapidement, et vit que celui ci me jettait des coups d'oeil, rapide. D'abord, je crus avoir fait quelque chose de mal.
La musique ne te plaît pas peut être ? J'écoute un peu de tout, mais j'oublie que les gens sont souvent branchés sur des groupes précis..
Je souriais, vaguement mal à l'aise, me concentrant sur la route, en caressant le chien sans y faire réellement attention.
Je souriais, à demi fière qu'Epsilon s'entende bien avec moi.
J'ai grandi entourée d'animaux. J'imagine que je dois être à l'aise au bout d'un moment, il en faut plus qu'une boule de poils comme ça pour me déboussolée.
Je riais, doucement. Là dessus, Luka enchaina. Un instant, je me demandais si il parlait bien de musique ou d'autres choses. A vrai dire, peu important. C'est vrai que ma façon de voir la musique, de la découvrir, de m'ouvrir à d'autres genres et artistes reflétait, dans une certaine mesure, mon goût pour l'inconnu et la découverte. Comme la photographie.
Tu devrais essayer quelque chose alors : chaque mois, semaine ou jour, comme tu le veux, tu décides de faire une chose. Une chose que tu n'as jamais faite. Et tu t'y tiens. Tu verras, c'est plus que comique au bout d'un moment.
La plupart des gens, à l'évocation de cette forme de philosophie de vie, souriait gentiment, s'imaginant sauter en parachute, sauver le monde, avoir un diplôme d'anthropologie ou que sais-je. Beaucoup oubliait toutes ces "petites" choses, qu'on a jamais faite, et qu'on oublie de faire..
Appeler ma mère. Rentrer à la maison. Arrêter de chercher mon père dans le moindre de mes actes, tout en le fuyant jusqu'au bout du monde. Rester dans un endroit plus de quelques semaines. Parler aux inconnus. Créer des liens. Retrouver des attaches.
Mais ça n'était pas le sujet de la discussion. Je souris, regardant la route devant moi.
Et bien, je ne m'étais jamais fait offrir une glace par un parfait inconnu, lui répondais-je en riant.
Nous arrivions aux écuries. Déjà ? Je ne m'étais pas rendue compte que nous étions si proches en réalité. Dommage, j'avais passé un bon moment en la compagnie du grand brun..
Il se garait, à quelques mètres de mon gros pick up, et coupais le contact. Rapidement, il sortit, libéra Epsilon. Je fis de même.
Il avait une drôle d'expression sur le visage, l'air gêné qu'on les gens au moment de s'en aller, parfois. Je souriais alors, l'encourageant à parler. Mais je fus vite déçue. A peine m'avait-il saluer qu'il s'échappait, vers les casiers des cavaliers. Je n'avais même pas le temps de lui répondre quoi que ce soit que le grand brun avait disparu, Epsilon à ses talons.
Je sentis une pointe de déception, voire même de tristesse, parcourir mon regard. Après tout, peut être n'avait-il pas envie de rester ne serait-ce que 5 minutes de plus. Pas envie, finalement, de me présenter ses chevaux, Swag et Chester. Pas envie de me voir, tout bêtement. J'avais du me faire des idées, pour changer.
J'haussais les épaules, et commençait à avancer vers le bâtiment de ma chambre..